Impressions et sentiments personnels concernant la montagne

Il y a 2 jours, c’était la journée internationale de la montagne. Je souhaitais partager quelques mots sur cette passion qui m’anime. Pour nombre d’entre vous, comme pour moi, la montagne est un vieil ami chargé d’histoires. Un vieil ami au tempérament fougueux et changeant. Malgré les rides, on ne saurait lui donner un âge. On s’y attache vite. Trop vite. L’amitié profonde se transforme parfois en dangereuse idylle. Certains donnent tout. Leur coeur, leur âme et parfois leur vie. Et l’échos de ces héros restent à jamais dans nos mémoires.

Moi-même je ne suis qu’un modeste gars des plaines. Ma jeunesse était faite de champs, de sentiers boueux, de quelques moutons, de vaches et le seul sommet que j’ai longtemps côtoyé fut le toit de ma maison. Adolescent, on m’a bien traîné, de force, sur quelques randonnées, mais je n’étais pas encore prêt pour ce grand rendez-vous. Mon esprit voguait ailleurs. J’avais en tête les baisers échangés derrière des bottins de paille plutôt que la course sur des arrêtes effilées. Ce n’est alors qu’adulte, la vingtaine bien fraîche, que mon regard s’éleva vers les cimes. Au jeune homme que j’étais, les anciens contèrent leurs aventures, leurs belles et longues marches, les exploits encore vivaces de leurs jeunes années. Quelque chose changea en moi. Leurs talents de conteurs devaient y être pour quelque chose. Mes yeux s’illuminèrent. J’écoutais là, attentivement, comme lorsque mon grand-père polonais me narrait des histoires merveilleuses sur ses genoux, son grand livre peuplé d’images colorées ouvert sous mes yeux. Moi aussi je voulais connaître ces frissons. Moi aussi je voulais forger ce lien immuable qui portaient ces hommes et ces femmes à dépasser leurs peurs et leurs limites, à éprouver la valeur de leur courage.

Au fond, que sommes-nous, à part la somme de nos souvenirs ? Et quels plus beaux souvenirs que ceux que l’on partage, au coin du feu crépitant, avec nos compagnons de marches et de cordées. Quelles plus belles histoires que celles qui réchauffent le coeur lorsque la rigueur de l’hiver frappe à nos portes ?

La montagne c’est pour moi une aventure qui se vit à chaque pas. Lorsque je ne compte plus les heures et les efforts, dans la douleur de la progression, j’ai l’impression d’être portée par ceux qui sont passés avant moi. Par ces aînés aux traits rugueux taillés dans la pierre ayant ressenti le même appel, la même nécessité d’éprouver ses forces et son mental. Quelle plus belle promesse que celle des premiers rayons qui caressent les sommets endormis. A ces heures où le commun des mortels reste au chaud sous sa couette, on s’élance, triomphant, sous la lumière des dernières étoiles et de notre torche balbutiante. Lorsque le jour est encore si jeune, lorsque thés et cafés nous ont redonné quelques couleurs, se glisse sur nos visages un sourire de gosse. Nous sommes impatients. D’autant plus vivants. Notre coeur chavire. Nous ne tenons plus en place sur nos pupitres comme pour l’appel de la récré. La montagne est notre bac à sable. Nous y refaisons le monde. La montagne est notre fontaine de jouvence. Lorsque l’on respire son air glacé aux premières lueurs, glisse sur nos corps le poids des ans. Et nous ne sommes plus que mus par ce désir irrésistible de retrouver la montagne, ce vieil ami.

Cet ami à la barbe blanche qui à chaque réveil nous murmure, de nouvelles promesses d’aventures.

Ce vieil ami que jamais on n’oublie et qui nous manque sitôt qu’on le quitte.