Chine. Pays continent. A la rencontre du Bouddha doré au sommet de l’Emei Shan – Sichuan J’ai beaucoup aimé mon aventure solitaire, les pêcheurs au cormoran de Xinping, sur la rivière Li, mes balades en vélo dans la vielle Pingyao et mes excusrsions sur le mur d’enceinte de la ville (sans payer), les journées entières passées dans les trains couchettes ou la tête posée contre un autre chinois car ces dernières étaient toutes occupées. J’en relate des extraits sur mon blog voyage Bien Voyager. Un an après, je n’ai pas encore tout dit. Les forêts dans le parc Jiouzhaigou, au porte du Tibet, les hutongs de Pékin, le mont Hua Shan, Datong, mes tests culinaires…

La Chine est un amusant paradoxe. Pays le plus peuplé au monde, il suffit d’une activité touristique un peu sportive pour se retrouver pratiquement seul. Il faut dire qu’à trimer physiquement toute l’année, avec 10j de vacances par an, on peut comprendre qu’ils préfèrent ménager leur corps durant le peu de temps libre que leur accorde leur travail.

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La lecture d’un article d’un joyeux couple de blogueurs (Novomonde) sur le trek du Mont Emei (ici) jusqu’au sommet où trône un temple doré ainsi qu’une gigantesque statue de déesse (dorée elle aussi) m’avait donné envie de me lancer sur ces 60 000 marches interminables. Un petit défi personnel.

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La mamie du Mont Emei : l’arnaque du repas à 100 euros

 

J’en souris encore. Elle m’a bien arnaqué. 25e pour un bol de riz, quelques feuilles d’épinard que j’ai aidé à ramasser et à laver et des bouts de lards au gout de suite lavés à la javelle. Ah la fourbe, elle voulait au départ 100e pour ce “festin de roi”.

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Après être arrivé à Emei City en début d’après-midi, quelques fruits et un bâton de bambou acheté en chemin, je ne souhaitais pas marcher le ventre vide. Sur ma route, une vieille baraque branlante, une mamie toute fripée en sort et me sourit. Je prononce maladroitement le mot que je connais :米饭 / mifan / mĭfà” ce qui signifie riz. Mot que j’accompagne de forts gestes explicites. Elle me ramène un bol. S’en suit 1h de brassage de vent comique ou, après mains gestes et sourires, avec l’aide de sa fille ayant débarquée entre deux, fille qui parlait aussi bien anglais que moi chinois, le bol de riz se trouvera accompagné d’une salade de feuilles qui poussent en bordure de maison, et que j’ai aidé à cueillir, ainsi que d’un bout de lard et d’épices.

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Mmmmh le lard lavé au détergent….

Suite à ce repas gastronomique qui coûte tout au plus 5e, ma gentille mamie sort de son chapeau magique de derrière les broussailles un menu. Et elle me montre du doigt les plats les plus chers qui pour un tel “restaurant”, chers le sont assurément. J’ai cru à une blague mais elle était toute sérieuse. Elle et sa fille s’emportent en chinois, une famille qui passait par là est visiblement prise à témoin. Il y a maintenant tout un attroupement autour de moi. Après 20 minutes d’échanges infructueux à gesticuler des sommes d’argent, moi aussi je commence à gueuler (en polonais). Je pars, furieux de m’être fait arnaqué non sans avoir passé le prix de l’équivalent de 100e à 25e. La mamie saluera mon départ d’un regard étincelles et d’un glaviot baveux lâché derrière moi. Sa fille, qui tenait une sorte d’auberge, nullement décontenancée, espérait me voir débarquer plus tard dans son temple et lâcher tout aussi gaiement de nombreux billets.

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C’était bon certes mais 100 euros ???

Ne croyez pas que ce comportement est une généralité. En un mois passé à vadrouiller en Chine, c’est la seule fois où l’on m’a arnaqué. Et encore, ce fut un mal pour un bien.

Quoiqu’il en soit, cet épisode, non content de me mettre en retard (j’ai bien du perdre 1h30) me poussa à prendre la résolution un peu folle de ne pas dormir dans un temple, puis de ne pas pas dormir nulle part et d’avaler d’une traite les 60 000 marches jusqu’au sommet.

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Les singes voleurs du Mont Emei

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Pendant que bébé singe fait mumuse, le père raquette les chinois

Il faut s’en méfier, ils peuvent être agressifs. Surtout les mâles aux longues canines. Particulièrement lorsque vous ne leur donnez pas un tribu. Lorsqu’ils sautent sur vous, à plusieurs, croyez moi, vous faites moins les malins. C’est ainsi que j’ai perdu ma lampe torche. Ce qui est assez handicapant pour quelqu’un souhaitant marcher de nuit. Heureusement, j’ai pu en acheter une à une famille chinoise tenant un point de restauration, près du monastère de Xianfeng non sans quelques difficultés pour expliquer ma situation.

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Ma négociation au restaurant près du monastère pendant que je faisais sécher quelques vêtements près du poêle.

La marche, seul et de nuit

 

Il y a peu de monde sur le chemin. Un ou deux randonneurs. Après 18h, je n’ai plus croisé personne si ce n’est des singes que j’accueillais parfois avec un coup de bambou lorsqu’ils souhaitaient inspecter de trop près le contenu de mon sac de rando.

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Marcher sur des marches du mont Emei, de nuit est… particulier. Ce n’est pas comme marcher à la frontale en haute montagne. Les sens sur le qui vive à chaque pas. Ici, il y a la rambarde et il y a le rythme berceur des pas. Il faut certes faire attention à un ou deux passages ou la rambarde fait défaut et ou la chute pourrait être fatale mais sinon, on pourrait presque somnoler à la montée. Attention, je ne dis pas que c’est facile. Mais une fois que l’on a compris que ces marches semblent interminables et que l’on a abandonné, au delà du raisonnable, l’idée de les compter, cela est beaucoup plus supportable. On y trouve même une forme de méditation.

 

Le lever de soleil sur le mont Emei

 

Je suis arrivé bien trop tôt. J’avais froid. Je dirai que la température ressentie devait être en dessous de 0. Je me suis baladé seul. Le silence pour seul compagnon. Le contraste sera flagrant lorsque des hordes de chinois viendront investir le lieu. Comme il était vraiment tard (ou tôt, au choix). Je me suis réfugié dans les wc pour hommes où je me suis assoupi, quelques heures, contre le radiateur ronronnant. Je fus réveillé par le premier randonneur chinois qui sursauta à ma vue avant de se faire prendre en photo avec moi à la sortie. Il faut dire, un touriste étranger qui passe la nuit dans les wc du mont Emei doit être une plutôt rare. (Quoique je me rappelle de quelques français ayant passé leur nuit dans les wc jouxtant les abris sur le mont Fuji afin d’éviter de payer les prix (exorbitants).

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Il faisait froid dehors. Rien pour réchauffer mon corps ankylosé si ce n’est quelques étirements et exercices de marche énergiques qui amusaient beaucoup les chinois vêtus de doudounes hivernales. Le funiculaire, amenant le gros des troupes ne tournait pas encore à plein régime ou n’étais, tout simplement, pas encore ouvert. La foule était disparate. Moines, familles, solitaires comme moi ayant tous passé la nuit au chaud ou, tout du moins, dans une meilleure position que la mienne.

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Il n’y eut pas vraiment de beau lever du soleil. Un simple filet rouge se perdant dans la mer des nuages. Je ne vécus pas ce moment d’exaltation que je vivrai, quelques mois plus tard, au sommet du Kilimandjaro. Mais je ne regrette pas ce merveillement sentiment d’avoir contemplé, dans la solitude la plus totale, le boudha doré luisant dans la nuit.

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La descente du mont Emei fut rapide. Tout du moins plus rapide que la montée. Je courais sur les marches. Je pris le raccourci du funiculaire qui me fit gagner 30 minutes jusqu’à l’arrêt de bus de ce dernier puis, de là, il y eu évidemment beaucoup moins de monde sur le sentier. C’était tout simplement impossible de s’opposer au flux qui montait parallèlement au funiculaire. Il aurait fallu bousculer quelques vieux chinois et moines se trainant péniblement et ce n’était pas du tout mon souhait de passer pour un rustre étranger. La vie le long des marches reprenait son cours. Là où l’heure tardive avait fermé tous les petits bouibouis, ces derniers reprenaient vie, au bonheur des quelques courageux chinois effectuant la longue marche d’ascension. Je puis me nourrir de quelques fruits et d’un bon chai tout en continuant à faire attention à ces maudits singes cherchant de quoi se mettre sous la dent pour le petit déjeuner.

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De cette marche, je me rappelle le brouillard enveloppant les temples. Atmosphère irréelle et suffocante. Moins de 24h après le début de ma descente, je tenais en main le ticket de bus me ramenant à Chengdu. Cette mésaventure avec cette “maudite” mamie me sauva la mise. En effet, le train que j’avais réservé devait partir demain. Si, comme prévu au départ, j’avais pris 2 jours pour faire ce trek, j’aurai perdu ma place en couchettes dans le train (pas facile d’en avoir, c’était les dernières places). Je fus bien chanceux au final… le hasard des rencontres. Je me dis depuis qu’il doit y avoir un ange gardien des randonneurs insouciants. Il leur donne des coups de pouce parfois… comme ce fut le cas pour moi, sur les 60 000 marches du mont Emei.

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