Peu importe notre activité, la montagne présente un certain danger. Ce qui nous semble une évidence ne l’est pas forcément pour tous. Bien que largement moins exposée que d’autres pratiques sportives en montagne comme le parapente, l’alpinisme, ou le base jump, la randonnée pédestre, aussi simple soit-elle en première apparence, présente elle aussi des risques. Chaque année, on constate malheureusement des accidents et des décès.

Quels en sont la cause ? Peut-on se prémunir de certaines situations à risques en randonnée ? Y’a t-il une population de randonneurs qui est plus à risque et des comportements à éviter ?

Population et comportements à risques en montagne

A l’heure où j’écris ces mots, j’évalue également ma propre condition physique au regard de mes projets et de mes envies. Suite à mon voyage en Birmanie, j’ai attrapé le chikungunya : une maladie infectieuse tropicale. S’en est suivi des problèmes articulaires récurrents qui disparaîtront peu à peu avec le temps : doigts, poignets, coudes, épaules, voûte plantaires.

Ces soucis de santé peuvent être handicapants et me mettre en danger lors de mes voyages personnels ou mes reportages en montagne. Je dois donc les prendre en compte et agir en conséquence.

De même, il faut prendre un certain recul  et regard critique face à nos pratiques, à nos habitudes et ce, peu importe notre expérience en montagne.

En montagne : votre âge et votre sexe sont des critères qui définissent votre vulnérabilité

Il ne fait pas bon d’être un randonneur de 50 ans et + sur les sentiers de randonnée. C’est la population la plus à risque et la plus concernée par des accidents mortels. Loin devant les jeunes et loin devant les femmes.

Il ressort globalement des études englobant les accidents en montagne (qui ne concernent pas que les randonneurs) que les hommes sont surreprésentés tant dans les victimes secourues (de l’ordre de 75%) que dans les accidents mortels (de l’ordre de 80%)

Les femmes, quant à elle connaissent leur plus grand pic de vulnérabilité dans le tranche 48 à 57 ans et, dans une moindre mesure, 38 ans 47 ans. Néanmoins, elles sont également 3x moins susceptibles d’avoir un accident.

En randonnée pédestre, méfiez-vous des descentes

C’est lors des descentes que l’on enregistre le plus d’accidents. Une étude réalisée dans les Pyrénées à montrer que 4 accidents traumatiques sur 5 ont lieu à la descente contre 7% lors des montées. Personnellement, allant très vite en descente, je ne sais combien de fois j’ai remercié le fait d’avoir des bâtons de randonnée. (à lire : 9 bonnes raisons de prendre des bâtons de randonnée)

Lors des montées, le risque principal est un accident cardio-vasculaire.

Une mauvaise adhérence de vos chaussures de randonnée

Il ressort des études et des analyses que les glissades et les dévissages seraient dues à l’absence de matériel de randonnée de qualité. A savoir, des chaussures de randonnée ayant une semelle qui possède une mauvaise adhérence. Or ces semelles se retrouvent fréquemment sur des chaussures d’entrée de gamme.

La majorité des blessures des randonneurs concernent des blessures aux membres inférieurs. Le quart concerne des entorses (majoritairement à la cheville)

Expérience personnelle : en Pologne, dans les Tatras ou même dans les carpates, je me souviens de gens qui s’amènent sur des passages avec des chaines (exposés donc) en petites baskets lisses voir des tongs. Les accidents ne m’étonnent guère.

Un sol mouillé en randonnée

On aurait pu imaginer que la dangerosité en randonnée tient principalement de passages sur névés ou sur du gravier roulant en pente et bien, d’après les études, c’est le terrain mouillé qui présente le plus de danger lors d’un trek. Méfiez-vous donc de l’herbe qui dort !

Expérience personnelle : lorsque je réalisais mon trek dans le Hohenweg en Autriche, c’est bien une glissade sur l’herbe humide sur les sentiers exposés qui présentaient d’ailleurs le plus de risques. Ça et les passages exposés sur roches mouillées, il n’y a pas mieux pour risquer l’entorse ou des chutes avec blessures.

D’ailleurs, puisque l’on parle de treks, l’un des autres facteurs de risques en randonnée que je connais fort bien c’est…

La randonnée en solitaire

Lorsque l’on part seul, on est l’unique personne qui évalue de manière critique ses propres choix…  si on fait erreur et que survient l’accident :
Qui peut avertir les secours s’il nous arrive quelque chose ?
Qui est présent pour nous prodiguer les premiers soins ou nous mettre à l’abris si on gît à terre inconscient?
Personne, évidemment.

C’est pour cela que lors de randonnées en solitaire, il est impératif de prévenir au moins un proche et de l’informer de son parcours de randonnée ainsi que des horaires prévus de retour. S’il vous arrive quelque chose, au moins une personne saura où vous êtes et les secours auront un périmètre plus restreint à vérifier.

Cependant, même si on fournit son itinéraire, le combo c’est de partir seul et…

Le hors-sentier

Partir sur un sentier non balisé, non prévu ou simplement « couper » en prenant un raccourci sur l’itinéraire initial entraînent des risques de se retrouver perdu, bloqué et évidemment de chuter sur une partie exposée qui n’est pas prévue pour un passage en randonnée.

Il ne faut pas oublier que les itinéraires de randonnée ne sont pas préparé pour nous faire passer d’un point A à un point B le plus vite possible. Ils sont réalisés par des experts de la randonnée. La sécurité est une variable davantage prise en compte que la seule vitesse de réalisation du parcours.

La sur-confiance du débutant

C’est un biais cognitif. C’est l’effet Dunning-Kruger. En gros il s’agit de personnes peu qualifiés qui sur-estiment leur niveau de compétence.

Cela vous faire sourire ? Cela vous rappelle une situation que vous rencontrez dans le cadre professionnel ? ^^

Je citerai Coluche « L’intelligence, c’est la chose la mieux répartie chez les hommes, n’est-ce pas, parce que, quoiqu’il en soit pourvu, il a toujours l’impression d’en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’il juge, hein ! »

Je me moque mais cela me rappelle un peu mon état d’esprit lors de ma première randonnée en haute altitude sur le Kilimandjaro. Je pensais, avec mon peu d’expérience, que chaque randonnée était la même. Je ne savais pas alors que la randonnée à haute altitude a ses propres caractéristiques et effet sur notre corps… la montagne m’a remis gentiment à ma place.

C’est juste une balade à pied, rien de bien méchant

Ce n’est pas explicitement mentionné comme tel dans les études que j’ai pu parcourir. Le concept est implicitement évoqué lorsque l’on parle de la représentation de la randonnée pédestre dans l’imaginaire collectif.

Balade en montagne (balade en haute montagne*), balade en forêt. Pour certains c’est blanc bonnet, bonnet blanc. Forcément, si on n’a pas de connaissances du milieu montagnard, notre jugement est biaisé car il est fortement limité.

L’image que l’on a alors de la randonnée pédestre en milieu montagnard peut être un facteur de risques. On minimise les dangers potentiels. On devient moins vigilent, moins attentif, d’ailleurs, on ne sait même à quel signe on devrait être attentif puisque l’on ne les connaît pas et c’est le terrain propice aux accidents.

Plus d’un tiers des accidents traumatiques le sont chez des personnes ayant une expérience nulle ou faible en montagne (les études parlent plutôt de touriste effectuant une randonnée que de randonneur) et lorsque le randonneur expérimenté est lui aussi victime d’accidents, il est moitié moins touché par les accidents graves.

Personnellement, j’en suis souvent témoin lorsque je me rends, en Pologne, dans les Tatras ou sur la Śnieżka dans les monts des Géants (massif des Karkonosze). Avec des sommets culminants à 2600m et 1600m pour la Śnieżka, ces montagnes ne sont pas si impressionnantes que nos Alpes françaises qui culminent à plus de 4000m mais les polonais se font surprendre par la spécificités de certains micro-climats. On a par exemple un étage alpin dès 1200m sur la Śnieżka alors que cet étage se rencontre vers 2200-2400m d’altitude sur nos Alpes. Il y a de rapides variations de températures et de conditions météorologiques. Le sommet est connu pour ces fortes rafales de vents avec un maximum officiellement enregistré de 288 km/h. Il arrive que des randonneurs se fassent souffler : source. Avec le refroidissement éolien, un -15 avec un vent de 50km devient du -29 en ressenti… Il ne faut donc pas mesurer la dangerosité d’une montagne uniquement à son altitude. Le climat d’un 1600m chez nous n’est pas équivalent à un 1600m sur un autre massif.

Les spécificités de l’itinéraire : l’effet entonnoir

Lorsque l’on prépare sa randonnée (pour ceux qui la prépare), on a tendance à se focaliser sur les éventuels points noirs. Des passages exposés et difficiles. Néanmoins, des passages vus comme faciles peuvent rapidement devenir dangereux suivant notre degré de fatigue, les conditions météos ou simplement, une mauvaise signalisation ou indication.

En Corse, on n’imagine pas forcément à quel point les montagnes peuvent être exigeantes : la chaleur, la signalisation parfois aléatoires sur certains tronçons, les sentiers escarpés et les descentes empierrés, et à cela on ajoute certains locaux ayant « l’esprit corse » pas forcement amène avec les touristes extérieurs. Je me souviens encore de ce gardien de refuge corse à qui, sur le Gr20, je demandais des infos sur l’itinéraire de marche jusqu’au prochain refuge.

Comment est le chemin ?
– long.
Je vois… et la météo, quelles sont les prévisions ?
– variable.

Un échange constructif comme on les aime !

A savoir qu’une simple chute de 3 à 5m avec mauvaise réception (dos ou tête), chute durant laquelle on a pas le temps de réagir car le temps de chute est inférieur ou égal à 1s, peut avoir des conséquences dramatiques : invalidité ou décès. Malheureusement, n’est pas iron man qui veut et les miraculés qui encaissent une chute sur 300m sans grande blessures ne sont pas légions.

En conclusion :

Si vous êtes un marcheur de plus de 50 ans qui se lance avec peu d’expérience sur un trek en solitaire sur des sentiers de randonnée avec des chaussures usées en se permettant de faire du hors-sentier alors que la météo est pluvieuse, alors là mon p’tit Jamy, vous cumulez fortement les risques.

La randonnée pédestre est une activité de masse, facilement accessible. Lorsque l’on a peu d’expérience et de connaissance sur ce milieu, on en minimise les risques et on peut alors adopter de mauvaises habitudes qui nous mettent en danger.

Pour profiter au mieux de sa sortie, il faut préparer son trek (article à venir).

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